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Eros e Virtù. Aristocratiche e borghesi da Watteau a Manet

Alberto Mario Banti
Roma- Bari, Laterza, 151 pp., € 19,00

Anno di pubblicazione: 2016

Dans ce petit livre alerte, brillant et très bien illustré, l’a. revient à ses anciennes amours,
la bourgeoisie. Mais avec un angle bien différent: il s’appuie en effet sur la peinture, en partant
de l’oeuvre d’E. Manet, pour s’interroger sur les rapports entre hommes et femmes de la fin
de l’Ancien Régime à la fin du XIXème siècle. Il nous livre le parcours d’un enfermement
inexorable des femmes dans leur rôle de mères, d’épouses et de mineures sociales et politiques
dont le point de départ est la philosophie des Lumières. Entre le libertinage, les mariages bien
distendus et la liberté de parole, de pensée et de plaisir des aristocrates des règnes de Louis
XV et Louis XVI et les bourgeoises sous le boisseau des années 1860-1890, c’est le règne de
la Raison qu’on impose à des êtres qu’on décrète dépourvus de raison: les femmes.
Dans le Code civil, la femme reste mineure dans l’espace public et privé. La femme doit
être pudique, bonne mère, épouse dévouée au service de l’homme. L’a. continue pourtant
de suivre les corps des femmes à travers la peinture. Si l’enfermement des femmes reste la
règle sociale, elles sont partout, nues, dénudées, attachées, offertes: sujets mythologiques,
allégoriques (La Liberté guidant le Peuple, de Delacroix, 1831), corps d’odalisques (Ingres,
Le Bain turc, 1862), esclaves orientales…, les femmes continuent d’être objets des fantasmes
et des interdits des hommes qui, à la différence de leurs épouses, peuvent vivre leur sexualité
extra-maritale bien plus librement…
L’a. ménage un arrêt prolongé sur ce qui apparut comme un tabou absolu, obscène: la
femme nue, représentée au milieu d’hommes corsetés dans leurs habits sombres: Le déjeuner
sur l’herbe, de Manet, peint en 1863 et immédiatement conspué – car trop troublant….
Les pistes ouvertes par l’a. sont nombreuses: la philosophie politique, la philosophie des
Lumières qui, bien que portée par des femmes, les oublie au bord du chemin, la médecine
(un peu abordée), l’Eglise (fort peu mentionnée). Pourtant, certains points restent dans
l’ombre, et le format bref du livre l’explique.
Il faut toutefois rappeler que les femmes, d’abord, font peur. Les femmes qui pensent,
bien sûr, mais aussi les femmes qui font de la politique à l’instar de celles qui se rendent
à Versailles en 1789, ou les «tricoteuses» de la Convention, puis de la Terreur. On ne peut
comprendre le rejet du tableau de Delacroix en 1831 sans avoir à l’esprit la peur suscitée
par ces femmes de la Révolution parisienne. Le 19ème siècle est parcouru par la peur (et le
désir) des révolutions, et les femmes participent de cet élan. Enfin, la peur qui traverse ce
siècle, c’est la peur du sexe, du plaisir, encadrée par l’Eglise et par une pensée médicale qui
ne cesse d’examiner, d’encadrer, d’interdire. Un encadrement qui trouve son exutoire dans
une production érotique et pornographique massive. Pour comprendre ce passage, un coup
de projecteur pourrait être ajouté sur la Restauration qui est aussi l’âge du Romantisme.
Est ce un hasard si c’est précisément en 1830 que la médecine découvre que l’ovulation
n’est pas conditionnée par la jouissance féminine, dissociant désormais sexualité, plaisir et
reproduction?

 Catherine Brice