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Simona Troilo – La patria e la memoria. Tutela e patrimonio culturale nell’Italia unita – 2005

Simona Troilo
Milano, Electa Mondadori, pp. 261, euro 19,00

Anno di pubblicazione: 2005

Disons le d’emblée: il y a une forme de sadisme à proposer un livre portant sur le patrimoine italien sans une seule illustration, dénué d’index, avec une couverture funèbre, et dans une mise en page tellement serrée ? ne parlons pas des minuscules notes en fin de chapitre ? que la migraine menace le lecteur attentif. Mais ces reproches s’adressent à l’éditeur. L’auteur, Simona Troilo, a tiré de son doctorat ce livre au titre un peu trompeur puisqu’il s’agit d’une étude non de l’Italie toute entière, mais de l’Ombrie, des Marches et des Abruzzes de 1860 à 1909, ce qui constitue déjà un beau programme. S’inscrivant dans une réflexion déjà avancée sur le rôle du patrimoine dans le processus de construction nationale, cet ouvrage ouvre de très intéressantes perspectives et permet en particulier de reconsidérer le rapport entre le local et le national sous un angle de ?complémentarité conflictuelle?. En étudiants les lieux, les pratiques et les acteurs qui se rencontrent autour de l’objet patrimonial après la création de l’Unité italienne, Simona Troilo montre comment les politiques du jeune Etat en matière d’étude, de valorisation et de conservation d’un patrimoine conçu comme national ont été biaisées par les communautés locales qui cherchèrent à se réapproprier leur passé en termes d’identités singulières, souvent avec succès. Objet d’un contentieux entre nation et petite patrie, le patrimoine devint vite, aussi, l’objet de cristallisation du conflit entre Eglise et Etat lorsque les biens de l’Eglise passèrent à la nation. L’auteur examine également les enjeux de l’archéologie locale, entre propriétaires privés, municipalités et Etat, ainsi que la difficile constitution des collections muséales, et en particulier provinciales et nationales. Le patrimoine italien, en l’absence d’une législation unifiée, constitua véritablement un des principaux points de fixation du rapport local/national qui caractérise l’identité péninsulaire. Il est frappant de constater dans la plupart des textes que Simona Troilo nous livre, que la défense du patrimoine local au nom de la préservation d’une identité forte se fait certes contre toute ?nationalisation?, mais qu’en même temps les acteurs n’hésitent pas à invoquer leur volonté de s’intégrer dans la ?grande? patrie de manière plus authentique, plus forte s’il leur est permis de conserver leurs propres particularités. Et dans cette politique, le jeu des élites locales est essentiel, et pourrait être approfondi. La perception de ce patrimoine, comme une richesse municipale devenant richesse régionale, puis richesse nationale s’effectua tardivement, au début du XXème siècle, par le double mouvement du tourisme intérieur puis international qui de plus en plus tendit à réifier les patrimoines régionaux, mais aussi par le biais d’une pédagogie visant à faire connaître l’Italie aux Italiens et, de ce fait, à la caractériser anthropologiquement et culturellement en catégories partiellement réinventées. Ce que l’exposition ethnographique de Rome en 1911 acheva d’institutionnaliser.

Catherine Brice